Grand Orient de France


En France, le Rite de Memphis disparaît à la fin du Second Empire et, dans les dernières décennies du XIXe siècle, seul le Rite de Misraïm rassemble encore quelques Loges. En revanche, l’un comme l’autre – Memphis plus que Misraïm d’ailleurs – ont, au fil des années, diffusé leurs rites hors de France. Il y a donc des « Grands Conseils Généraux » (Misraïm) ou «Souverains Sanctuaires» (Memphis) aux États-Unis, en Italie… et en Égypte.

En 1909, les rites égyptiens désormais réunis se réimplantent en France quand Théodore Reuss – qui s’inscrit dans le sillage et la filiation de John Yarker – délivre une patente à Gérard Encausse (Papus) pour constituer un Suprême Conseil Général du Rite Ancien et Primitif. À partir de cette renaissance des rites égyptiens, ceux-ci se manifestent essentiellement au travers du « Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm ». Tout au long du XXe siècle, celui-ci sera porté par des personnalités qui lui donneront une vraie place dans le paysage maçonnique français : Georges Bogé de Lagrèze, Jean Bricaud, Constant Chevillon, Jean-Henri Probst-Biraben et Robert Ambelain.

 

John Yarker (1833-1913) en 1888

1913, imprimé, The Co-mason, vol V., p. 67, Bibliothèque du GODF.

Portrait de John Yarker publié dans la nécrologie que lui consacre la revue The Co-Mason après son décès en 1913. Le portrait lui-même date de 1888, époque où Yarker est particulièrement investi dans la promotion et la diffusion de son « Rite Ancien et Primitif » en 33 degrés.

 

Décret conférant la Grande Étoile de Sirius à Théodore Tebbs

Papier, encre, H. : 31 cm ; L.: 21 cm, Bibliothèque du GODF, Fonds Ragaigne.

Daté du 3 janvier 1884 – c’est-à-dire à peine un an après la réunion des deux rites par Pessina – cette pièce est l’un des plus anciens documents connus témoignant de l’existence du «Rite Ancien et Primitif Oriental de Memphis et Misraïm». Ce décret confère la «Grande Étoile de Sirius» – la décoration des dignitaires de Memphis, l’équivalent de l’Ordre des Chevaliers Défenseurs de la Maçonnerie de Misraïm – à Théodore Tebbs. C’était un des animateurs du Souverain Sanctuaire du Canada. À la mort de Garibaldi, Pessina s’est fait reconnaître Grand Hiérophante par ses organisations italiennes… et canadiennes. Mais peu
après, il est écarté par ses pairs.

 

Diplôme de Sublime Maître du Grand Œuvre 30e degré du Rite Ancien et Primitif de Georges Bogé de Lagrèze.

1909, parchemin imprimé et manuscrit, H. : 50 cm ; L. : 40 cm, Musée de la franc-maçonnerie (coll. GODF).

Homme de théâtre, Georges Bogé de Lagrèze voyage beaucoup pour son métier. Lors d’un séjour professionnel à Manchester, il entre en relation avec John Yarker (probablement par l’intermédiaire des milieux papusiens). Le contac dut être chaleureux puisque Lagrèze est élevé, en dépit de son jeune âge – il n’a alors que 27 ans –, au 30e grade du Rite Ancien et Primitif. Même si, officiellement, il représente maintenant le Rite de Memphis-Misraïm, le texte du diplôme montre combien le Rite Ancien et Primitif de Yarker est resté proche du Rite de Memphis de ses origines. Autre paradoxe, s’il est bien précisé que le 33e degré est le dernier grade, le Sublime Maître du Grand Œuvre est présenté comme « 30-90° », les signataires font suivre leur paraphe de « 33°-95° », voire de « 97° » pour Yarker. De même, l’encadrement du diplôme présente une échelle de 97 degrés dont le dernier est le Grand Hiérophante. Georges Bogé de Lagrèze a donc eu l’occasion de rencontrer et d’échanger avec John Yarker qui lui a transmis un grade éminent de son Rite Ancien et Primitif. C’est un point important car, avec ces échanges avec Yarker, Bogé de Lagrèze rencontre un des aceurs des Rites Égyptiens du XIXe siècle (Yarker a 35 ans quand Marconis meurt en 1868). Comme, à la fin de sa vie, Lagrèze transmettra ses pouvoirs à Robert Ambelain, il fait un pont entre les origines et l’histoire moderne des Rites Égyptiens.

 

Portrait de Georges Bogé de Lagrèze (1882-1946)

1936, tirage argentique, Musée de la franc-maçonnerie (coll. GODF).

Initié au Grand Orient de France en 1904, Georges Lagrèze (dit Bogé de Lagrèze, Bogé étant le nom de sa mère) s’intéresse d’emblée à la Maçonnerie ésotérique et rejoint la Loge Humanidad de Papus dès 1905.

 

Carte de « Grand Hiérophante substitut » de Georges Bogé de Lagrèze

Début du XXe siècle, métal, H. : 8,2 cm ; L. : 12,8 cm, Musée de la franc-maçonnerie (coll. GODF).

Dans les années 1920-1930, Georges Lagrèze est l’un des rares frères français dont la filiation dans la Maçonnerie égyptienne remonte directement à John Yarker. Il travaille d’abord avec Jean Bricaud avant de s’en éloigner pour rejoindre le projet belge de Suprême Conseil international de Memphis-Misraïm. Cette carte fait état de son office de « Grand Hiérophante mondial substitut ».

 

Diplôme du 18e/30e degré du Souverain Sanctuaire de Jean Bricaud et Constant Chevillon

Vers 1930, Papier, H. : 50 cm ; L. : 40 cm, Musée de la franc-maçonnerie (coll. GODF).

Diplôme (vierge) de Chevalier Kadosh (« 18e » de l’échelle en 33 grades et « 30e » celle en 95 grades) du « Souverain Sanctuaire de l’Ordre Maçonnique Oriental Ancien et Primitif de Memphis Misraïm et Souverain Grand Conseil Général des Rites Unis pour la France et ses dépendances ». C’est l’organisation créée à Lyon en 1919 par Jean Bricaud (1881-1934) puis dirigée par Constant Chevillon (1880-1944) à partir de 1934.

 

 

Bijou de Sublime Maître du Grand Œuvre, 30e grade du Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm

Début du XXe siècle, laiton moulé et ciselé ; H.: 5,5 cm, L.: 5,5 cm, Prof.: 0,8 cm, Musée de la franc-maçonnerie (coll. GODF)

Rare bijou du 30e degré de la version du Rite de Memphis-Misraïm en 33 grades établie par John Yarker en 1875.

 

Diplôme d’Alexandrie d’Égypte

1943, parchemin manuscrit, H. : 15 cm ; L. : 20 cm, Musée de la franc-maçonnerie (coll. GODF).

La Loge clandestine Alexandrie d’Égypte est fondée en juin 1943 par le jeune Maçon Robert Ambelain – initié à la veille de la guerre – à la demande de Georges Lagrèze et de quelques autres dignitaires maçonniques du Grand Orient et de la Grande Loge. Elle fonctionne en toute discrétion, deux fois par mois, au domicile parisien d’Ambelain, 12 square du Limousin, et se veut un lieu de « résistance spirituelle ». Elle initiera notamment Jules Boucher – futur auteur de La symbolique maçonnique – ou Robert Amadou.

 

Décret de réveil du Rite de Memphis en 1947

1947, papier, manuscrit, H. : 41,5 cm ; L. : 28 cm, Musée de la franc-maçonnerie (coll. GODF).

Déjà engagé dans les rites égyptiens aux côtés de Jean Bricaud puis Georges Lagrèze dans l’Entre-deux- guerres, l’érudit Jean-Henri Probst Biraben s’y investi à nouveau à la Libération. Avec Lagrèze, Jean Chaboseau et Henry Dubois – un ancien proche de Constant Chevillon – il réveille un Rite de Memphis indépendant en 1947.

Tablier de Robert Ambelain (1907-1997).

Vers 1970, cuir peint, galons, pendeloques, H. : 34 cm; L. : 39 cm, Musée de la franc-maçonnerie (coll. GODF).

Tablier de Robert Ambelain comme Grand Maître du Rite de Memphis-Misraïm. Initié à la veille de la guerre, le jeune Robert Ambelain fait d’emblée preuve d’une grande activité et d’un vrai sens de l’organisation. Repéré par Georges Lagrèze, celui-ci décide de recevoir Ambelain aux plus hauts grades de Memphis-Misraïm pour assurer la survie du rite dans cette période si difficile. Robert Ambelain est ainsi promu au 33e grade le 20 août 1942, au 66e le 8 août 1943 et aux 90e et 95e et dernier degré le 15 août 1944. Après la guerre il se consacre surtout au Martinisme. Mais, à partir de 1960, il s’engage dans la reconstruction des rites égyptiens en France. Grand Maître de la Grande Loge Française de Memphis Misaïm, il est l’artisan de son développement et de sa reconnaissance dans le paysage maçonnique français dans les années 1970-1980.